Montpellier : la Ville achète 45 000 euros de reportages à une chaîne du groupe La Dépêche du Midi

Le Poing Publié le 15 juillet 2024 à 11:58 (mis à jour le 15 juillet 2024 à 12:07)
Vià Occitanie est un réseau de chaînes de télévision locales diffusant dans toute la région. (Crédits : capture d'écran)

Après un achat il y a quelques mois par la Métropole de 200 000 euros de reportages à Via Occitanie, c’est au tour de la Ville de Montpellier d’attribuer un marché à la chaîne possédée par l’ancien patron du parti radical de gauche Jean-Michel Baylet, allié historique du Parti socialiste

Michaël Delafosse a une drôle de conception des médias. D’un côté , le maire “socialiste” de Montpellier affirme sur X (ex-Twitter) que“la presse doit pouvoir travailler librement”, de l’autre, il attaque l’Agglorieuse en diffamation pour un article et un dessin sur le suicide de Vincent Honoré, responsable des expositions au MO.CO, et ses équipes municipales restent silencieuses quand Le Poing leur demande l’accès à des documents publics sur le logiciel de recoupement des images des caméras de la Ville, de la Métropole et de la TAM (qui aura coûté la bagatelle de 300 000 euros).

Pendant ce temps, l’argent public pleut pour maintenir artificiellement en vie des médias dominants au modèle économique à bout de souffle : en mars, la Gazette de Montpellier se voyait attribuer 87 200 euros par la Ville pour un supplément de 48 pages sur le dispositif “Ville à hauteur d’enfant” porté par la municipalité. Quelques jours plus tard, on apprenait que la Métropole de Montpellier avait acheté pour 200 000 euros de reportages à Vià Occitanie, une chaîne du groupe la Dépèche du Midi.

Rebelote en ce début d’été : on découvre dans la synthèse des décisions du conseil municipal du 11 juillet que la Ville avait (encore) attribué un marché concernant “l’achat de reportages Via Occitanie pour l’année 2023. Il est conclu pour un montant de 45 545,54 € HT et pour une durée de 1 an”. Pourquoi évoquer des marchés démarrant en 2023 au milieu de l’été ? Dans l’opposition, on évoque deux hypothèses : soit un retard, soit une volonté de “saucissonner” les marchés pour qu’il soit plus difficile d’estimer le montant global.

Misère de la presse locale illustrée.

Problème : Vià Occitanie, réseau de chaînes de télé locales appartient au millionnaire Jean-Michel Baylet, PDG du groupe La Dépêche du Midi (dont Midi Libre fait partie). Déjà qu’on pourrait se demander si des médias appartenant à des millionnaires ont vraiment besoin d’argent public pour exister et si il ne ferait pas mieux d’être investi ailleurs, un détail, et pas des moindres, pose question : en plus d’être un patron de presse très influent dans le sud-ouest, Jean-Michel Baylet est un homme politique. (On pourrait aussi s’attarder sur le fait que que sa famille et son journal, La Dépêche, ont collaboré avec les nazis, ou qu’une plainte avait été déposée contre lui pour viol sur mineur, mais ce n’est pas le sujet.) Ancien président du Parti radical de gauche (allié historique du PS) et ministre sous le gouvernement Valls, l’homme gravite aujourd’hui autour des restes du parti socialiste opposés à la NUPES.

Il a notamment apporté son soutien à l’ancien ministre Bernard Cazeneuve, lui-même proche de Carole Delga, présidente de la région Occitanie et de Anne Hidalgo, allant jusqu’à s’afficher en photo dans son propre journal accompagné de ses alliés. Un mélange des genres entre pouvoir politique et pouvoir médiatique que le natif de Toulouse, aujourd’hui conseiller Départemental du Tarn-et-Garonne, sait cultiver : en 2016, le PoinT évoquait le fait que son groupe de presse avait gagné le marché de l’édition du journal de la région Occitanie, contrôlé par le PS, allié du parti radical de gauche.

A toute fin utile, il est toujours bon de rappeler que Michaël Delafosse traîne dans les mêmes cercles de cette gauche de droite : il avait participé à un meeting montpelliérain rassemblant Carole Delga et Bernard Cazeneuve autour de la candidature d’Anne Hidalgo aux présidentielles de 2022.

Bref, comme l’avaient écrit nos confrères de l’Agglorieuse il y a quelques semaines : “A Montpellier, on aime le canard laquais”. De notre côté, on laissera en guise de conclusion une question qui pourrait servir de sujet de dissertation pour patrons de presse ou exécutifs locaux : et si le premier des pré-requis de la presse pour “pouvoir travailler librement” n’était finalement pas son indépendance financière vis-à-vis du pouvoir ?

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