Montpellier : retraités et acteurs du secteur culturel ensemble dans la rue

Elian Barascud Publié le 20 mars 2025 à 18:00 (mis à jour le 20 mars 2025 à 18:12)
Environ 2 000 personnes ont manifesté dans les rues de Montpellier ce jeudi 20 mars, à la fois pour la revalorisation des pensions et pour s'opposer aux coupes budgétaires dans le secteur de la culture. '"Le Poing")

Ce jeudi 20 mars, environ 2 000 personnes ont manifesté dans les rues de Montpellier, entre retraités de la CGT demandant une revalorisation des pensions et les acteurs du secteur culturel en lutte contre les coupes budgétaires

Il y a des jours ou les dates du calendrier social se télescopent, créant des atmosphères peu banales, pleines de contrastes. Ce jeudi 20 mars rentre dans cette catégorie. A 14 heures, sur la place de la Comédie, les stands de merguez des retraités de la CGT côtoient un orchestre d’intermittents du spectacle en lutte qui joue devant la fontaine des Trois Grâces. Deux manifestation en l’une, avec à l’avant du cortège des chevelures grisonnantes en chasubles rouges marchant dans le calme, et à l’arrière, un défilé festif et bariolé, plutôt jeune.

“Bayrou est un menteur”

Commençons par l’avant du cortège. La section retraitée de la CGT avait appelé à une manifestation régionale pour la revalorisation des pensions, alors que Sophie Binet, patronne du syndicat, annonçait la veille qu’elle quittait les négociations rouvertes par le premier ministre sur la question des retraites. “Bayrou est un menteur, il a trahi ses engagements !”, s’exclame Michel Andreu, délégué syndical CGT-retraité de Béziers. “Le premier ministre avait dit qu’il était prêt à discuter de tout, mais il refuse de revenir sur l’âge de départ à la retraite et de repasser à 62 ans au lieu de 64, c’est une mascarade, les autres organisations syndicales devraient faire comme la CGT !”

Son syndicat demande une revalorisation des pensions de 10%. “Avec l’inflation, ce n’est pas la hausse de 2,2% qu’on a eu au premier janvier qui va nous faire sortir de l’eau”, souffle le syndicaliste. Mais surtout, l’enjeu du moment est selon lui la santé des retraités. “La qualité de la prise en charge aux urgence se dégrade, alors que les retraités y ont beaucoup recours à cause de nombreux problèmes de santé que l’on peut avoir en vieillissant. La sécurité sociale rembourse de moins en moins, et nous n’avons pas forcément l’argent pour payer la hausse des tarifs des mutuelles, ce qui fait que beaucoup de retraités renoncent à se soigner. On nous dit qu’il n’y a plus d’argent pour les services publics et les hôpitaux, mais le gouvernement trouve 800 milliards pour des crédits de guerre !”, fustige Michel Andeu.

“On dirait que tout le monde s’en fout de la culture”

“Le gouvernement est en train de démanteler la culture comme il démantèle la sécurité sociale, et on dirait que tout le monde s’en fout”, lâche un autre Michel, quant à lui salarié du théâtre de Narbonne, à demi étouffé par le son d’une batucada., dans le cortège des acteurs du monde de la culture. En témoignent les chiffres : la loi de finances du gouvernement prévoit une réduction de 130 millions d’euros pour le ministère de la Culture, dont 41,9 millions sur la création et 33 millions sur la transmission des savoirs. Soit une menace pour l’emploi de 400 000 personnes selon les syndicats du secteur. “Même quand les budgets sont maintenus, un maintien, c’est déjà une baisse, car avec l’inflation, les coûts d’Électricité augmentent”, continue le Narbonnais. “Donc on est obligé de rogner sur la partie artistique pour compenser, et par conséquent, on fait travailler moins d’intermittents. Et quand l’État se désengage, les collectivités peuvent le faire en cascade, on est très inquiets”, précise-t-il.

Le désengagement de l’État qui touche les autres collectivités, c’est ce que vivent actuellement seize stagiaire en spectacle vivant dont la formation a été suspendue à cause des coupes budgétaires de la région Occitanie, elle-même dépendante d’enveloppes de l’État. Présents à la manifestations, ils dénoncent “une attaque contre l’apprentissage et l’insertion professionnelle.”

“On va vers une privatisation de la culture”, déplore de son côté Ludovic, musicien à l’orchestre de l’Opéra de Montpellier. “Si le public se désengage, on est obligé de recourir au mécénat ou de louer nos lieux pour des évènements privés afin de faire rentrer de l’argent. Sans parler de l’augmentation du prix des billets, qui va rendre l’accès à la culture de plus en plus restreint…”

Plus localement, c’est bien évidemment les annonces du Département de tailler de 48% le budget de la culture qui suscitent la colère des professionnels du milieu. Sous une grande banderole floquée du slogan “0 + 0 = les subs de l’Hérault”, on retrouve Théo, membre du syndicat national des artistes plasticiens. “80% des artistes-auteurs vivent déjà en dessous du SMIC, là, avec cette décision, il y aura moins de lieu pour nous accueillir en résidence, et tous les programmes d’éducation artistique à l’école s’arrêtent, ça va être un manque à gagner énorme.”

A cela s’ajoute le gel de la part collective du Pass Culture, un dispositif qui permet aux établissements, via une plateforme Internet, de financer des ateliers, des sorties théâtres, de l’éducation aux médias… Un trou dans les caisses de nombreux intermittents et petites structures du secteur culturel -dont Le Poing, qui (sur)vit en partie grâce à de l’éducation aux médias en milieu scolaire…-.

Ludovic, comme beaucoup d’autres, seront devant le Conseil Départemental de l’Hérault ce lundi 24 mars au matin lors du vote du budget de la collectivité pour faire entendre leur voix.

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