Nîmes : Midi Libre s’associe à un salon bien-être aux intervenants douteux

Elian Barascud Publié le 22 février 2024 à 19:11

Le Salon Sésame, organisé du 1er au 3 mars au parc des expos de Nîmes, prévoit des intervenants pour le moins douteux. Parmi eux, un auteur jugé homophobe, un médecin connu pour ses propos anti-vaccins, un « journaliste » propagateur de fakes news, des « thérapeutes » cités par les missions de lutte contre les dérives sectaires… Le tout en partenariat avec Midi Libre, dont le logo est sur l’affiche de l’évènement.

Au Poing, on commence à être habitué à traiter des « salons du bien-être » aux invités étranges. Rappelez-vous, en mai dernier, au château de Flaugergues, le salon « Demain c’est aujourd’hui » faisait la part belle aux pseudo-sciences, théories conspirationnistes, et avait même invité des membres de la secte d’extrême-droite Les Brigandes. Face à la démultiplication de ce genre d’évènements dans le Clapas, on avait même rebaptisé avec humour Montpellier « capitale de l’ésotérisme », à défaut d’être celle de la culture. Mais cette fois-ci, le salon en question se passe dans la préfecture du Gard.

Le sésame du New-Age

Le Salon Sésame doit se tenir du 1er au 3 mars au parc des expos de Nîmes. Il est entre autre sponsorisé par Midi Libre, dont le logo se trouve sur l’affiche. Entre produits bio, médecine alternatives et bien-être, le rendez-vous propose 120 exposants, 40 conférences et ateliers pratiques, des concerts « zen », des tombolas…

Mais quand on creuse au milieu des « thérapeutes dans le quantique », experts en « biorésonance », tarologues, et autres médiums ou entrepreneurs proposant des thérapies de constellations familiales (repérées par la Mission interministérielle de vigilance et de luttes contre les dérives sectaires -Miviludes- comme potentiellement dangereuses) ou de « karma thérapies », on se rend vite compte que certains intervenants ont un pedigree chargé.

Parmi eux, on peut citer le « maître Reiki » Jacques Martel. A l’origine électricien, Jacques Martel, a entrepris des recherches en « vitaminothérapie », s’est formé en développement personnel pour devenir « rebirtheur » et proposer des stages à 2 000 euros la semaine. C’est d’après ses « connaissances » qu’il a rédigé un ouvrage où il aborde cancer, sida, viol ou encore homosexualité. Il explique que ces « maladies » sont des « conflits intérieurs non résolus qui s’expriment dans le corps ».

Son livre, Le grand dictionnaire des malaises et maladies, qui a pour ambition d’aborder la santé par le prisme des pensées, des sentiments et des émotions, avait été jugé homophobe au moment où la Fnac l’avait classé en « coup de coeur », en 2018. En effet, on peut y lire que l’homosexualité « peut être une étape dans la recherche de [son] identité ou un choix de vie pour [son] évolution ou pour faire évoluer la société », qu’une personne peut y « rechercher un père, une mère » ou encore que la « cause » de l’orientation homosexuelle peut être trouvée dans le caractère « trop dominant » d’une mère.

Le site de l’Union nationale des Associations de Défenses des Familles et de l’Individu victimes de sectes évoque d’autres passages du livre : « A propos du sida, il pointe “une problématique : la race noire”… Le harcèlement sexuel serait inconsciemment provoqué par la victime en “manque d’affection”. Toujours selon Jacques Martel, le cancer serait un “suicide déguisé” ou bien encore “une manifestation de la haine envers quelqu’un ou une situation” ».

Des propagateurs de fakes-news

Fait cocasse, le journal Midi Libre, dont le logo figure sur l’évènement, s’est associé à un salon où est invité… un journaliste propageant des fakes-news (Midi Libre avait également été partenaire du salon BioHarmonie en fin d’année dernière).

On parle ici de Pierre Jovanovic, présenté sur le site du salon comme un « invité phare ». Il est identifié comme relais régulier de théories conspirationnistes d’extrême-droite. En 2020, durant la pandémie de Covid-19, Jovanovic a relayé une rumeur selon laquelle « la France a tout fait pour que le coronavirus se répande le plus vite possible dans la population ». Il a été, selon 20 Minutes, l’écho des théories du complot sur le Covid-19, concernant le rôle de Bill Gates et de ses milliards dans l’épidémie, mais également une théorie conspirationniste globale sur « l’incroyable implication du Mossad en collaboration avec Epstein, l’OMS, l’institut Rockefeller, l’Union européenne, Bain & Company et la raison pour laquelle les médias se sont violemment attaqués au professeur Didier Raoult ».

L’ensemble de ces déclarations et le nombre de ses suiveurs sur Twitter le font classer par France Info en troisième position dans les « supers propagateurs » de fausses informations, après Alain Soral et le catcheur Tom La Ruffa.

Autre figure très controversée invitée au salon Sésame qui s’est fait connaître pendant la pandémie : Christian Peronne. Infectiologue antivax connu pour ses prises de positions pro-Didier Raoult et pour avoir parlé du Covid comme un « complot mondial », il a été mis fin à ses fonctions de chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches (AP-HP), dans les Hauts-de-Seine, sur décision de Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP en décembre 2020.

Christian Peronne est proche de France Soir, ancien média devenu relais de de fausses nouvelles pendant le Covid, du site « RéinfoCovid », animé entre autre par l’agitateur d’extrême-droite Louis Fouché, et du youtubeur conspirationniste Silviano Trotta.

Des « thérapeutes » sulfureux

Autre intervenant du salon : Christian Fléche. Créateur du « biodécodage des maladies », il s’inspire du médecin Ryke Geerd Hamer, créateur de la « nouvelle médecine germanique », qui repose sur le postulat selon lequel tout cancer, et plus généralement toute maladie, résulte d’un choc psychologique intense. Le docteur Hamer est considéré comme responsable de la mort prématuré de 140 patients, en leur conseillant de ne pas faire de chimiothérapies.

De son côté, Christian Fléche est dans le viseur des autorités travaillant sur les dérives sectaires : il est cité par plusieurs rapports de la Miviludes (le premier date de 2010 et s’interroge déjà sur les formations payantes en « psychobiothérapies »), qui appelle à la vigilance sur ces pratiques. Son nom apparaît également dans un rapport sénatorial de 2013 sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.

Toujours dans les « thérapies », Jacques Prunier est également invité au salon. Fabriquant d’un complément alimentaire à base d’algues, qui selon lui, peut soigner la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou l’amyotrophie spinale infantile, s’inspire lui aussi des thèses du docteur Hamer. En 2012, le magazine « Sciences et Avenir » alertait déjà sur l’Association de Prévention pour la Santé par les Médecines Douces (APSAMED) donc Jacques Prunier était membre, qui, selon le média, servait à « camoufler des actes d’exercice illégal de la médecine ».

Jacques Prunier a lui aussi attiré l’attention du Sénat, en 2013, lors d’une série d’auditions sur les dérives thérapeutiques et dérives sectaires. Olivier Hertel, journaliste de Sciences et Avenir, qui a écrit l’enquête cité ci-dessus, auditionné par le Sénat à ce titre, s’inquiétait d’une « infiltration » de ces thérapeutes dans les hôpitaux et universités.

Enfin, dernier exemple de cette liste non-exhaustive, Stella Giordanengo, qui pratique « l’alchimie gnostique » en se revendiquant de Rudolf Steiner, le créateur de l’anthroposophie. Mouvement spirituel et ésotérique fondé au début du XXe siècle par l’occultiste autrichien Rudolph Steinner, l’anthroposophie a fait l’objet de nombreuses saisines auprès de la Miviludes.

Contactée par mail, l’agence Starcom, chargée de l’organisation du salon, n’a pas répondu à nos questions.

De son côté, Olivier Biscaye, directeur de la rédaction de Midi Libre, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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